3
Mai
10

Vous aimez le merveilleux dans l’atroce? Allez voir « Mamhut »


Une petite critique ciné, signée Nasa San.

J’aime la dérision; j’ai été servi!

Ce film à petit budget – produit par « no money productions » – est filmé le plus souvent en super 8. L’économie ainsi faite fait bon ménage avec le côté « destroy » du scénario.

Un candidat spectateur à qui je disais, dans la queue: « je crois qu’on va se marrer » m’a répondu: « Depardieu est énorme dans tous les sens du terme! ». C’est vrai, il en fait « des tonnes », mais avec une économie d’expression remarquable.

En effet, ce n’est pas seulement un film d’auteur, mais aussi et surtout un film d’acteur. Gérard Depardieu est Serge Pilardos et réciproquement, ce nouveau retraité des abattoirs qui, sous prétexte d’aller à la pêche des trimestres nécessaires à sa retraite, vit une nouvelle existence, à la fois dérisoire, pour ne pas dire minable et grotesque… et poétique.

On rit beaucoup au début, au milieu des gros, enlisés dans une chienne de vie, mais qui suscitent la sympathie par leur sens de l’auto-dérision. Puis vient un sentiment de tendresse pour ce paumé et sa caissière de supermarché (Yolande Moreau, excellente aussi, émouvante dans ses retrouvailles avec son partenaire). Enfin, et c’est le talent du cinéaste, survient cette impression qui mêle la poésie au tragique. Sur son engin aussi énorme que le cavalier, Serge-Depardieu garde un visage le plus souvent plombé. Mais ce visage s’éclaire de façon fugitive, cueillant ces moments de bonheur dans des « trips » quasi-délirants, grotesques, mais d’une poésie à laquelle participe cette fille demeurée avec qui il chevauche la moto et les nuages, dans une communion de déjantés qui se comprennent.

On y trouve de la beauté dans la laideur, la trivialité, le minable qui ne le sont qu’en surface, car les personnages savent les sublimer par un émerveillement d’enfant, une sorte de beauté intérieure.

Dans le tragique aussi du caratère éphémère de la jouissance, qui tranche avec la tristesse d’une vie de misère morale et sociale. Je ne parlerai pas de la fin, qui laisse ouvertes plusieurs interprétations, entre bonheur et tragédie, vie et mort.

Certains s’y retrouveront: gageons qu’ils choisiront un message d’espoir!

On y retrouve surtout une partie tragique du personnage Depardieu. La dédicace, à la fin seulement, à son fils Guillaume, fait imaginer comment il a vécu le film. Le voyant à la TV, ayant doublé de volume, avec les facteurs de risque qui sont les siens, maniant l’auto-dérision, on se disait qu’il trouvait là une manière bien à lui d’approcher sa fin prochaine. En sortant du cinéma, je vois qu’un nouveau film est annoncé, dont il est la vedette. Bravo, l’artiste!





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L'autre monde | Thème liquide par Olivier