17
Juil
10

L’italien


Je suis allé voir le film « L’italien » au cinéma. Cela fait un bout de temps que l’on n’avait pas Kad Merad au cinéma, au moins trois mois! A croire qu’il était parti en RTT.

Ce nouveau film raconte comment un franco-algérien se fait passer pour un italien afin de parvenir à une certaine réussite sociale qu’il croit impossible à cause de ses origines. Mourad Bensaoud devient donc Dino Fabrizzi. Et je dois dire que dans le rôle de l’italien, Kad Merad est très crédible. La première partie du film m’a bien fait rire, assez légère. Pour la suite, c’est une autre histoire. Lorsque tout le monde découvre le poteau rose, c’est beaucoup moins drôle et on sombre vite dans les clichés.

Il y a un aspect culpabilisant dans ce film qui m’a laissé un petit goût amer, comme si la France et les français étaient les seuls responsables des difficultés de certains immigrés. Cela reste un film et il faut le prendre comme tel mais il pose malgré tout un certain nombre de questions d’une manière un peu dérangeante en montrant la réalité sous un certain angle, un peu biaisé à mon sens.

Imaginons que le film raconte cette histoire : un français chrétien qui s’installerait en Algérie et se ferait passer pour un musulman pour mieux se faire accepter localement, pointant ainsi l’intolérance et les difficultés à accueillir l’autre, parce qu’il est différent. Je pense qu’un tel film ferait scandale et serait même probablement censuré. La France n’est pas l’Algérie, on a le droit d’y projeter tous les types de films et c’est très bien ainsi. Cependant, il serait bien qu’à un moment, les réalisateurs de films et les médias montrent la France comme elle est : une terre d’intégration pour des millions d’immigrés depuis des siècles. Ne parler que de ce qui ne fonctionne pas aujourd’hui, c’est présenter la réalité sous un certain angle qui occulte complètement le fait que la France a permis à des générations d’immigrés de s’épanouir dans notre pays.

Alors bien sûr il y a des problèmes d’intégration, personne ne peut le nier. Cependant, traiter ce problème sous l’angle d’une responsabilité unique de la France et des français qui seraient au mieux très méfiants et au pire très racistes, c’est aussi dérangeant que malhonnête. On ne peut pas tout attendre de la société française. Bien sûr que certaines personnes ont des à priori mais c’est partout pareil. Ce n’est pas pire en France qu’ailleurs, loin de là! Le système d’intégration a des limites, autant physiques que psychologiques. Le logement comme l’emploi sont des problèmes qui touchent tous les français, et pas seulement les immigrés. Après, c’est sûr que c’est beaucoup plus facile et politiquement correct de tapper sur la France. Cela fait rire, on est à fond dans les clichés mais cela ne fait vraiment pas avancer le problème.

Pour moi les difficultés viennent du fait que lorsque l’on intègre plusieurs millions de personnes de cultures très différentes dans une population de 60 millions de personnes, cela ne peut pas fonctionner si le système n’y est pas préparé. Quand les gens se retrouvent parqués dans des HLM sans job, il est compréhensible qu’une minorité tourne mal pendant que la majorité se morfond en se demandant ce qui lui arrive. Ceci entraîne une spirale négative avec le résultat qu’on connaît 40 ans après. Le système a explosé en vol car il n’était pas capable d’assimiler autant de personnes en si peu de temps. Il ne leur a donc pas offert les conditions de vie attendues et cela a entraîné la frustration et les difficultés. C’est cela la réalité. Mais ce n’est pas la France qui est responsable. Aucun autre pays n’a fait mieux en matière d’intégration. C’est juste que le challenge de l’intégration était bien au delà des possibilités de la société française.

Ce film traite donc d’un vrai problème sous un certain angle, profondément subjectif. Ce qui me dérange, ce n’est pas tellement le fait qu’une comédie soit subjective, c’est son rôle. C’est plutôt le fait que les acteurs et le réalisateur passent leur temps sur des plateaux de télévision à expliquer que leur film est là pour poser le problème de l’intégration et essayer de faire évoluer les mentalités, comme si les comportements et les mentalités ne pouvaient et ne devaient évoluer que dans un seul sens. Ils posent le problème de l’intégration uniquement sous l’angle de la population française qui aurait du mal à accepter les immigrés en occultant la responsabilité des immigrés dans leur bonne intégration mais aussi celle de leur pays d’origine qui ne leur offre pas des conditions de vie décentes les encourageant ainsi à émigrer, souvent dans de mauvaises conditions, vers des pays plus intéressants d’un point de vue social.

Immigrer en France comme ailleurs, ce n’est clairement pas facile. Il faut apprendre la langue quand on ne la connaît pas car les français parlent majoritairement le français. Ensuite, il faut assimiler les lois, la tradition chrétienne et la démocratie. Cela fait beaucoup et je conçois tout à fait que cela puisse être très difficile mais la France fait quand même énormément pour facilier l’intégration. De toutes façons, dans la vie, on n’a rien sans rien. Beaucoup se trompent en imaginant que la France est un el dorado. C’est probablement bien mieux sur beaucoup de points qu’un certain nombre de pays mais il ne faut pas rêver, rien n’est parfait, loin de là…





6 commentaires pour “L’italien”
  1. pascal dit :

    j’apprécie tes propos mesurés et pleins de bon sens.Tout cela demande beaucoup de réflexion de la part, principalement,
    des jeunes d’origine maghrébine nés en france, qui ne semblent pas encore avoir compris que la France était leur pays.
    Cela fait un moment que j’observe la situation empirer et je crains pour l’avenir.

  2. Olivier dit :

    Je pense que c’est important de pouvoir aborder ce débat de manière dépassionnée sans arrogance ni complaisance.

    Une partie du problème vient du manque d’idendité en France. Les français ne sont pas très patriotes. Ils apprécient leur culture mais le patriotisme français n’est pas du tout ostentatoire. Je suis toujours frappé quand je vais à l’étranger de voir comme les gens sont attachés à leur pays, à leur identité.

    Donc en France, comme on ne trouve pas vraiment de raisons d’être fiers et de se rassembler autour de symbôles et de valeurs qu’on partage, il est très difficile pour ceux qui arrivent de s’approprier cette nouvelle patrie car ils ne ressentent pas la force et le poids de cette identité. Ils ne se sentent donc ni l’obligation ni l’envie de les découvrir.

    Il y a plusieurs raisons à ce faible patriotisme français. La première est l’extrême brassage culturel sur tout le territoire. A part la langue, les français n’ont pas grand chose en commun au niveau de leur personnalité, de leur cadre de vie. Songeons aux différences entre un chti, un corse, un basque, un alsacien, un breton, un parisien et un ultramarin. Difficile de trouver un socle commun. Peu de pays ont une telle diversité. C’est à la fois une grande richesse mais aussi un grand challenge (pour ne pas dire difficulté) car pour concilier tous les points de vue et les différences, il faut chercher loin. Ensuite, il y a le manque de leader charismatique. On en a pas vraiment eu depuis le général De Gaulle. Il nous faudrait une personne capable de rassembler et faire l’unanimité au delà des clans politiques.

    Et puis, il y a aussi les catastrophes ou les événements joyeux qui améliorent la cohésion nationale. C’est con à dire mais une guerre ou une vague d’attentats, lorsqu’un peuple se sent menacé, ça l’oblige à resserrer les rangs. Une victoire en Coupe du Monde, c’est très bon aussi.

    Bref, je crois qu’il faut se garder de tout populisme et prendre le temps de la réflexion et de l’analyse sur ce sujet. Le problème ne vient pas d’un côté ou d’un autre. Il vient d’une situation engendrée par de multiples facteurs pas forcément maitrisables au départ. Il faut donc essayer de trouver des solutions pour améliorer la situation mais ce n’est sûrement pas en désignant l’une ou l’autre des parties comme l’unique responsable que cela va faire avancer le débat.

    Pour ce qui est de l’avenir, je n’ai pas de boule de cristal. Je t’avoue partager une certaine inquiétude. Il y a beaucoup de tabous en France. On n’aborde pas assez les vrais problèmes de manière frontale. On préfère coller des pansements sur des jambes de bois ou se voiler la face…

  3. Thiery dit :

    Hello, j’avais oublié ces histoires de racisme. Ici au Brésil, les arabes, qu’on nous appelons les turcs, n’ont aucun problème avec le racisme, mais quand je dis aucun, je pèse mes mots, ça ne vient même pas à l’esprit d’un Brésilien d’être raciste envers un Arabe. C’est peut-être parce qu’ici le mélange fait partie de notre vie de tous les jours.

    Je dirais même qu’on a une certaine admiration envers les arabes ici, du fait du passé de grands commerçants qu’ils sont.

    Autre point, les français ont tendance à traiter tout étranger qui ne maîtrise pas le français comme des débiles mentaux, voire des malentendant ou les deux. C’est le seul pays où j’ai ressenti cette impression et pourtant j’ai un peu roulé ma bosse.

    Ps il y a plus d’arabes au Brésil qu’en France, rien que pour les libanais, il y en a plus de 5 millions.

  4. Olivier dit :

    Thierry,

    Le Brésil, c’est 192 millions d’habitants. D’après Wikipedia, il y aurait 6 millions de libanais au Brésil. De plus le territoire brésilien est beaucoup plus étendu même si une grosse partie est inhabitée dans la forêt amazonienne. Au niveau des proportions, je pense qu’on peut difficilement comparer les deux.

    D’une manière générale, les libanais ne rencontrent pas énormément de difficultés pour s’intégrer en France. C’est un peuple ayant une grande habitude d’ouverture. De plus, la communauté libanaise en France est plutôt aisée ce qui facilite les choses.

  5. Medorius dit :

    Prendre l’exemple des Libanais est le type même du contre-exemple.
    La France reçoit de nombreux Libanais, qui parlent quasiment tous – et magnifiquement – la langue française, sont attachés à notre pays (je les entends souvent dire: La France, c’est notre mère!)et sont, pour ceux qui habitent en France, très bien intégrés.
    Parler des arabes comme d’un peuple unique et homogène me paraît inadéquat et, trop souvent,ce n’est pas pour les encenser!
    Celà dit, il est vrai que les Français ne font guère d’efforts pour parler et comprendre les autres langues. D’un autre côté, venir en France et ne pas apprendre sa langue, c’est l’obstacle majeur à l’intégration.

  6. Thiery dit :

    Hello, j’ai pris les libanais en exemple car j’avais les statistiques, mais ici au brésil, nous avons toutes la gamme de toutes les nations du monde.
    Un étranger ici suscite la curiosité, quand il débarque au Brésil, il est toujours bienvenu, on sait qu’il va apporter une plus value sur cette terre. Comme d’ailleurs nous sommes 99% tous des émigrés, on ne peut pas vraiment critiquer les nouveaux venus.
    Parlons des Marocains, ici au Brésil, ils sont adulés! Pourquoi? Il y a eu une novela (feuilleton brésilien) qui se passait au Maraoc il y a quelques années, les brésiliens ont tellement aimé, qu’ils se sont mis à visiter le Maroc, triplès le business avec le pays…. C’est ce que j’appelle la curiosité et l’opportunisme. Bon en ce moment, l’adulation est plutôt vers les indiens d’inde suite encore à une novela brésilienne.


L'autre monde | Thème liquide par Olivier